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Vie politique locale (fonds Conseil général de Saône-et-Loire).

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Transcription : Crise de la filière agricole : voeu présenté par le groupe des élus de la majorité départementale (séance du 16 juin 2004, Président Christophe Sirugue).

Collecteur : Manigand Marie-Laure
Langue : Français
Témoignage enregistré le 16/06/2004


Lecture du rapport par André Peulet. Écouter cette séquence

M. Peulet, rapporteur.
Mesdames, Messieurs,
"La viticulture, secteur porteur d'avenir, qui participe à notre excédent commercial à hauteur de 1,25 milliards d'euros, est confrontée à une crise profonde liée à une concurrence mondiale de plus en plus sévère, à une augmentation des parts de marché d'autres pays producteurs, à une érosion des exportations vers les marchés extérieurs porteurs, ainsi qu'à une baisse de la consommation domestique sur le territoire français, accentuée de manière particulièrement sensible depuis deux ans par le durcissement de la politique répressive voulue par le Gouvernement.
Ce contexte entraîne la dégradation, qui pourra aller jusqu'à la disparition, de plusieurs centaines d'exploitations viticoles de notre département, notamment dans les secteurs de production d'A.O.C. Rouges : Mâcon rouge, Maranges, Couchois, Côte chalonnaise, Beaujolais, qui sont particulièrement touchés.
Parmi les grandes appellations de Bourgogne certaines n'ont eu d'autre solution que leur déclassement en appellation régionale, ce qui accentue les difficultés du marché, en augmentant les stocks des secteurs les plus affectés. Signe des temps difficiles, deux grandes appellations de vin blanc, mondialement connues et très prisées, le Pouilly-Fuissé en Saône-et-Loire et le Chablis dans l’Yonne, connaissent elles aussi une véritable récession.
Le Ministre de l'Agriculture accuse la loi EVIN de tous les maux et axe sa politique sur la seule modification de la réglementation de la publicité des vins, qui, si elle peut appeler des ajustements, ne saurait justifier à elle seule la crise profonde que traverse notre viticulture. Croire que la modification de cette loi pourra faire repartir le marché n'est qu'une illusion.
Derrière ses effets d'annonce purement marketings, le Gouvernement doit s'attaquer aux causes structurelles profondes de la crise que traverse la viticulture et accompagner les viticulteurs dans la restructuration de leur filière.
Il doit mener une politique volontariste à l'exportation, une politique de reconnaissance du vin français sur le marché intérieur, de sensibilisation et d'éducation des consommateurs, aider et accompagner les producteurs dans la démarche de qualité dans laquelle ils se sont engagés.
Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas su prendre la mesure des effets du durcissement de la répression en terme de sécurité routière engagée par le Ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, touchant un marché déjà fragilisé, et anticiper sur ces effets pourtant prévisibles en engageant un plan d'accompagnement de la filière.
Aujourd'hui, c'est tout un secteur qui souffre et nombre de viticulteurs, que certains parmi nous connaissent, se trouvent dans des situations économiques et humaines insoutenables.
L'interprofession a engagé des initiatives ponctuelles comme le stockage de production, de manière à désengorger le marché, et des initiatives qui s'inscrivent sur le long terme, comme le contrat "Qualité +", géré par un groupe piloté par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (B.I.V.B.), la Confédération des Caves Viticoles de Bourgogne (C.A.V.B.), la Fédération du Négoce Eleveurs de Bourgogne (F.N.E.B.), les Chambres d'Agriculture et la D.R.A.F., au financement de laquelle participe le Conseil général de Saône-et-Loire et le Conseil régional de Bourgogne, qui vise à amener tous les acteurs de la production au meilleur niveau quantitatif possible et à permettre ainsi aux exploitations en difficulté de se repositionner par rapport au marché, après avoir identifié les causes de leurs difficultés.
Elle a ainsi montré sa détermination à engager la filière dans la voie d'une évolution structurelle.
Toutefois, des mesures, qui dépassent la seule modification du Code de Santé Publique de manière à permettre la publicité sur le vin, devraient être engagées dans les meilleurs délais par le Gouvernement, au risque d'une forte dégradation de l'activité économique viticole de notre département et de son environnement social.
Aussi, les Conseillers généraux soussignés demandent-ils instamment au Gouvernement et à son Ministre de l'Agriculture de rechercher, en relation avec la profession, les solutions administratives, techniques et financières qui pourraient permettre à la filière viticole de sortir de la situation fortement défavorable dans laquelle elle se trouve et de mettre en œuvre les moyens de son redressement".


Intervention de Daniel Juvanon : problème commercial. Écouter cette séquence

M. le Président.
Merci, M. le Rapporteur. La parole est à M.JUVANON.

M. Juvanon.
Quelques mots. J'ai un peu l'impression que ce rapport cherche des coupables alors que, en fait, ce sont des solutions qu'il faut chercher.
J'avais un patron, dans l'entreprise dans laquelle j'étais, qui me disait systématiquement : "Je ne vous paie pas pour poser les problèmes, je vous paie pour les régler".
Or, je crois que le vrai problème de la viticulture, c'est d'abord un problème commercial, c'est-à-dire qu'il faut absolument, dans le cadre de la promotion, ou dans le cadre de la Commission Agriculture, aider les viticulteurs à apprendre à exporter. Tout le reste, j'en suis désolé, ce n'est pas cela qu'ils attendent.
Si l'on ne fait pas cette démarche de leur apprendre à exporter... on produit 50 millions d'hectolitres, on en boit 30, et il reste 20 millions d'hectolitres à exporter. C'est un problème commercial, et uniquement commercial. On peut dire tout le reste, d'accord, mais pour le reste on perd son temps.


Intervention d'André Peulet : concertation des partenaires ; baisse de l'exportation et de la consommation nationale ; endettement des exploitations ; demande de diagnostic. Écouter cette séquence

M. le Président.
Merci. La parole est à M. PEULET

M. Peulet.
Je ne voudrais pas que l'on ait un débat stérile et qu'il s'arrête ici, car ce serait grave. La crise de la viticulture est une crise importante, ce voeu a été présenté suite à un travail qui a été mené pendant deux mois et demi avec toute la Commission Agriculture, et principalement avec Christian GILLOT, et l'on a fait énormément de rencontres. On a suivi toutes les Assemblées Générales: C.D.J.A., Fédération Viticole, F.D.S.E.A., Union des Mâcon.
On a organisé des rencontres avec la Fédération Viticole, l'Union des Mâcon, le B.I.V.B., l'Union des Syndicats de Défense, qui regroupe tous les syndicats de défense de Saône-et-Loire, la Fédération des Caves Coopératives, la Fédération des Caves particulières, la Chambre d'Agriculture et le Centre de Gestion.
Aujourd'hui, il faut faire un bilan et voir où en est la viticulture à l’heure actuelle car il ne serait pas logique que l'on n'en parle pas, les viticulteurs ne comprendraient pas que, dans cet hémicycle, on en reste simplement à des paroles, ou à un voeu.
Un voeu doit être expliqué et je crois que ce voeu montre toutes les causes que l'on peut tirer de cette crise.
Le premier point, c'est l'exportation. Les dernières informations du B.I.V.B. du mois de juin sont les suivantes :
L'exportation continue d'être en forte baisse sur des marchés importants, comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, le Danemark, principalement sur les vins rouges.
Sur les cinq ans, la baisse est de -9 % en volume et de -6 % en valeur.
Les seules lueurs d'espoir sont le Japon, le Canada et, dans un degré moindre, les Etats-Unis.
Les baisses par appellation sont significatives, quand on parle des Chablis. Le Chablis, qui avait une renommée mondiale et qui avait une évolution croissante, voit aujourd'hui une baisse de -54 % de ses exportations.
Les Mâcon accusent une baisse de -32 % de leur exportation.
Les crus renommés, Pouilly-Fuissé, et des crus de la Côte chalonnaise, Mercurey, Givry, souffrent à l'heure actuelle.
Ne parlons pas seulement de l'exportation, parlons du marché français. Le marché français accuse une chute qui continue d'être de 100 000 hectolitres par mois. Je ne sais pas si vous voyez l'importance de cette baisse, c'est la disparition d'une grande cave de notre secteur, comme la cave coopérative de Lugny qui traite ces volumes.
En Saône-et-Loire, un nombre important d'appellations rouges sont touchées : les Mâcon rouges du sud et du nord, le Couchois, les Maranges, la Côté chalonnaise, le Beaujolais.
Nous sommes aujourd'hui en plein cœur de la crise, nous avons commencé à la voir arriver en 2000 et 2001.
S'agissant du contrat "Qualité +", il faut en parler et l'on peut faire un point aujourd'hui.
138 dossiers ont été étudiés. Sur ces 138 dossiers, il y a des investissements élevés pour certaines exploitations, il existe quelques mauvaises gestions, cela se produit dans tous les domaines, mais il y a principalement un endettement par rapport à la baisse des cours et à la baisse de certaines ventes qui ne se sont pas faites depuis 2000.
Une étude des particuliers s'est bien déroulée, nous nous sommes rencontrés. Très vite, lorsque nous avons eu la discussion avec les professionnels, nous avons vu que l'on dépassait le domaine uniquement des exploitations particulières. C'est pour cette raison que, avec la Fédération Viticole avec laquelle nous avons eu les contacts, une demande a été formulée pour faire un diagnostic le plus juste possible. Ensuite, il faudra s'arrêter, je crois, sur les études et les diagnostics, il faut directement agir, mais le diagnostic doit porter sur plusieurs points :
- étude de l'évolution des exploitations viticoles au cours des 3 dernières années et projection sur les 5 et 10 ans à venir,
- étude de l'évolution des surfaces en vigne au cours des 3 dernières années,
- inventaire et analyse des équipements existants,
- étude des stratégies individuelles des viticulteurs : quelles solutions ont-ils mis en place ou envisagent-ils pour faire face à la crise?
- typologie du vignoble : délimiter dans chaque commune concernée les zones les plus vulnérables.
Les cantons qui seront dans le périmètre de cette étude et du diagnostic sont :
• Buxy, sur une commune
• Chagny, sur deux communes
• La-Chapelle-de-Guinchay, en totalité
• Couches, en totalité
• Epinac, sur une commune
• Givry, sur cinq communes
• Tramayes, sur deux communes
• Mâcon-Nord, sur trois communes
• Chalon-Sud, sur une commune.
Vous avez pu le voir en Commission Permanente, le Conseil Général a été sollicité à hauteur de 25 000 euros, ils ont été inscrits lors de la dernière Commission Permanente.


Intervention de Bernard Dessendre : opposition au vote du voeu ; proposition d'amendement. Écouter cette séquence

M. le Président.
Merci, M. PEULET. La parole est à M. DESSENDRE.

M. Dessendre.
M. le Président, mes chers collègues, ceux qui me connaissent bien savent l'importance que j'attache à la viticulture. Nous avons pris connaissance avec beaucoup d'attention du voeu qui nous a été proposé par votre majorité, voeu relatif à la filière viticole, tant les enjeux sont importants.
La viticulture, c'est vrai, est confrontée à une crise structurelle profonde et nous devons tous, dès lors, nous mobiliser pour soutenir la profession en difficulté et l'aider à s'engager dans la nécessaire restructuration de la filière.
Nous ne pouvons toutefois voter en l'état ce voeu dont le seul objectif purement politique est la mise en accusation du Gouvernement en dehors de tout consensus, consensus pourtant nécessaire pour permettre de fédérer toutes les énergies d'un vrai soutien à notre viticulture.
Le Sénat a, pour sa part, ouvert la voie, grâce, notamment, au vote de l'amendement de la loi D.T.R. - je crois que c'est hier - visant à favoriser la promotion des produits de qualité et à autoriser la publicité collective pour le vin par dérogation à la loi EVIN.
Le législateur devrait ainsi ouvrir un nouveau champ d'actions à la profession.
C'est en s'alliant, Gouvernement, profession, collectivités locales, que nous parviendrons à répondre aux attentes de la filière ainsi qu'aux difficultés économiques que certains rencontrent dans notre département.
La profession le sait, le Conseil général a jusqu'à présent toujours été à ses côtés, et l'ancienne majorité départementale a soutenu en son temps, sans réserve, nombreuses mesures, que ce soit le contrat en place à l'heure actuelle "Qualité +", que ce soit les aides aux AGRIDIF. Nous tenons donc ici à renouveler notre soutien total à cette filière indispensable à l'économie de notre département et l'assurer que nous oeuvrerons, notamment en liaison avec les parlementaires de la majorité présidentielle, à la poursuite d'actions, d'aides et d'accompagnement des productions de notre département dans leurs nécessaires démarches de restructuration et de qualité.
Si vous le voulez bien, je vous proposerai un amendement à la crise de la filière viticole, et je pourrai, si vous me le permettez, M. le Président, vous en donner lecture. Il pourra être distribué à l'ensemble des Conseillers généraux. Les viticulteurs nous attendent et souhaitent, comme l'a rappelé le Président PEULET, qu'il y ait une osmose entre nous tous afin d'aider et de préserver cette production départementale qui a tant d'importance.
Si vous le voulez bien, je vais vous lire l'amendement que je souhaite présenter, dans lequel, d'ailleurs, beaucoup d'éléments du voeu sont repris.
"La viticulture, secteur porteur d'avenir qui participe à notre excédent commercial à hauteur de 1,25 milliards d'euros, est confrontée à une crise profonde liée à un concurrence mondiale de plus en plus sévère, à une augmentation des parts de marché d'autres pays producteurs, à une érosion des exportations vers les marchés extérieurs porteurs, ainsi qu'à une baisse de la consommation domestique sur le territoire français liée à une politique incitative de lutte et de prévention contre l'alcoolisme.
Ce contexte entraîne la dégradation qui pourrait aller jusqu'à la disparition de nombreuses exploitations viticoles de notre département, notamment dans les secteurs Beaujolais d'A.O.C. Rouges: les Mâcon rouges, les Maranges et, bien sûr, le Couchois, la Côte chalonnaise, le Beaujolais, qui sont particulièrement touchés.
Parmi les grandes appellations de Bourgogne, certaines n'ont eu d'autre solution que leur déclassement en appellation régionale, ce qui accentue les difficultés du marché en augmentant les stocks des secteurs les plus affectés.
Signe des temps difficiles, deux grandes appellations de vin blanc, mondialement connues et très prisées, le Pouilly-Fuissé en Saône-et-Loire et le Chablis dans l'Yonne connaissent elles-mêmes un début de récession.
Il importe que le Gouvernement et la profession s'allient pour s'attaquer aux causes structurelles profondes de la crise que traverse la viticulture et accompagner les viticulteurs dans la restructuration de leur filière à travers une politique volontariste à l'exportation, une politique de reconnaissance du vin français sur le marché intérieur, de sensibilisation et d'éducation des consommateurs et, enfin, aider et accompagner les producteurs dans la démarche de qualité dans laquelle ils se sont engagés.
Aujourd'hui, c'est tout un secteur qui souffre et nombre de viticulteurs, que certains parmi nous connaissent, se trouvent dans des situations économiques et humaines insoutenables.
L'interprofession a engagé des initiatives ponctuelles comme le stockage des productions de manière à désengorger le marché et des initiatives qui s'inscrivent sur le long terme, comme le contrat "Qualité +", dans lequel notre Conseil général s'est engagé, contrat géré par un groupe piloté par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, la Confédération des Caves Viticoles de Bourgogne, les Chambres d'Agriculture et la D.R.A.F., qui vise à amener tous les secteurs de la production au meilleur niveau quantitatif possible et à permettre ainsi aux exploitations en difficulté de se repositionner par rapport au marché, après avoir identifié les causes de leurs difficultés.
Elle a ainsi montré sa détermination à engager la filière dans la voie d'une évolution structurelle.
D'autres mesures, notamment une aide éventuelle à la restructuration, doivent être engagées en complément de la modification du Code de Santé Publique afin d'enrayer la forte dégradation de l'activité économique viticole de notre département et de son environnement social.
Ainsi les Conseillers généraux soussignés demandent instamment au Gouvernement et à son Ministre de l'Agriculture de rechercher, en relation avec la profession, les solutions administratives, techniques et financières qui pourraient permettre à la filière viticole de sortir de la situation fortement défavorable dans laquelle elle se trouve et de mettre en oeuvre les moyens de son redressement. "
Voilà, M. le Président, le texte que je propose au nom de votre opposition et qui peut être accepté par la majorité, si vous le voulez bien.


Intervention du Président et ajournement du dossier. Écouter cette séquence

M. le Président.
Merci, M. DESSENDRE,
Je voudrais vous rappeler que pour présenter un voeu il faut le faire au moins en commission. Néanmoins, eu égard au sujet dont nous parlons, qui, à mon sens ne mérite pas de polémique, je vais vous faire une proposition, c'est-à-dire de vous retrouver, pendant que nous allons poursuivre nos travaux, avec M. GILLOT et M. PEULET, afin d'essayer de voir s'il est possible de trouver un terrain d'entente entre votre formulation et la nôtre, sachant quand même que les responsabilités de chacun doivent être aussi clairement dites, et les nôtres au travers de l'effort que nous devons faire, je crois que personne en cela n'est en désaccord pour aider à la promotion et à la qualité de la production chez nous. Mais, j'ai participé, pour ce qui me concerne, à une réunion où la thématique quasi exclusive qui revient de la loi EVIN me paraît objectivement un peu courte.
Sachons aussi sortir de ces espèces d'idées préconçues des uns ou des autres. Je suis prêt à ce que nous travaillons à cela si vous acceptez la formule que je vous propose et qui nous permet de continuer à travailler, c'est à- dire d'ajourner ce dossier, le temps de votre rencontre, puis de reprendre sur ce sujet, si tout le monde en est d'accord.
Je vous propose donc de vous rejoindre. Nous ajournons ce dossier, nous y reviendrons ensuite.